Le Conseil de l’Europe demande aux États de s’opposer à la discrimination génétique par les compagnies d’assurance

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Le Conseil de l’Europe a demandé aux Etats de prévenir l’utilisation des résultats des tests génétiques lors de la souscription des contrats d’assurance, dans une recommandation adoptée fin octobre, relève un article du service de presse Gènéthique du 18 novembre. Le Comité des Ministres conseille aux 47 États membres de « garantir l’absence de discriminations, y compris sur la base de caractéristiques génétiques ».

Dans sa recommandation, le Comité pose sept principes pour protéger les assurés dans la négociation de leur ouverture. La recommandation se justifie par « l’essor important des contrats d’assurance privés couvrant un risque lié à la santé, à l’intégrité physique, à l’âge ou au décès d’une personne » alors que les connaissances en génétiques évoluent et permettent « d’obtenir de plus en plus facilement des données sur les caractéristiques génétiques des personnes, dont l’analyse peut être particulièrement complexe ». Le Comité se dit en effet conscient que les données génétiques peuvent être interprétées par les compagnies d’assurance de façon erronée ou excessive en ce qui a trait à « l’état de santé dans le futur – parfois très éloigné – des personnes concernées ». Dans le même ordre d’incertitude quant aux risques, la recommandation demande de ne pas utiliser les données issues des tests génétiques sur des membres de la famille de l’assuré, sauf justification législative, le risque de survenue de la maladie n’étant pas défini avec certitude.

Désacraliser la prospective médicale pour considérer l’individu

Les assureurs ont recours à la science actuarielle qui leur permet d’analyser et anticiper les risques, les conséquences du hasard, et d’établir des tables quant aux probabilités de décès ou de survie, ainsi que l’espérance de vie en fonction de l’âge et du sexe, par exemple relativement au temps de survie des hommes et des femmes confrontés à une même maladie. Il faut, donc, tenir compte de la date du diagnostic, et le temps de survie est utilisé par les compagnies d’assurance pour tracer une courbe de survie. La connaissance par l’assureur d’une maladie génétique chez le client ou dans sa famille peut amener à adapter la police d’assurance-vie. Même en cas d’interdiction de recourir aux tests génétiques, les assureurs peuvent croiser les données des personnes qui se surassurent, soupçonnées de cacher leur état de santé ou leur risques génétiques.

Parmi les principes défendus par la recommandation, il y a ceux de transparence et du consentement

Parmi les principes défendus par la recommandation, il y a ceux de transparence et du consentement, fortement liés qui touchent le plus à la question du respect de l’assuré. Le Comité des ministres conseille aux États d’imposer aux assureurs de « justifier le traitement de données à caractère personnel relatives à la santé » et de requérir le consentement de l’assuré avant de traiter des données personnelles quant à sa santé. Par exemple, les compagnies d’assurance ne pourraient utiliser que les données à valeur prédictive positive très élevée ; ainsi dans le risque très fort de mutation du gène BRCA2 responsable de la survenance d’un cancer du sein où le risque est très élevé chez la femme porteuse de cette anomalie, de 55 à 85%. De plus, les assureurs ne pourraient considérer ces données que si leur utilisation respecte « le principe de proportionnalité en relation avec la nature et l’importance du risque considéré ». Les questions, qui doivent être claires, directes, et parce qu’elles touchent à l’intimité, c’est auprès de l’assuré que les données doivent être recueillies pour les mesures actuarielles.

La connaissance d’un futur supposé, source de désolidarisation

La recommandation du Conseil de l’Europe tient donc compte d’une part de l’incertitude de la prospective et du nécessaire respect de la vie privée de l’assurée, d’autre part de l’importance pour l’assureur de savoir si une prédisposition au risque est trop élevée pour ne pas en tenir compte, car il y a le risque que des assurés se couvrent au maximum sans mentionner les raisons de ce choix. Elle va dans le sens d’un soutien à la solidarité, pour que les personnes à risque ne soient pas mises de côté, mais tient compte des réalités financières des assureurs qui ne sauraient supporter une large part de clients cachant de risques particulièrement élevés.

Le besoin de proposer une législation révèle en creux une certaine forme de déconstruction de la société

Le besoin de proposer une législation relative au rapport qu’entretient le secteur des assurances avec la génétique révèle en creux une certaine forme de déconstruction de la société que permet la prédictibilité génétique. Puisque l’on peut supposer qu’une personne développera telle maladie, avec telle probabilité, les hommes sont encore moins perçus comme égaux devant la fatalité, aux calculs actuarielles à partir du sexe et de l’âge de l’assuré étant agrégés les données génétiques ; est alors posée la question du fait de payer pour ceux qui présentent plus de risques que soi. Cette connaissance qui appartenait à la médecine et s’est répandue jusque sur Internet ne pouvait qu’intéresser les assureurs avec la possibilité de l’exclusion de ceux déjà affaiblis ou potentiellement faibles, pour retenir toujours plus le profit au détriment de la volonté de solidarité qu’ils affichent, au point d’oublier que chaque assuré, même bien portant, est un être dont l’une des facettes est la finitude.

Hans-Søren Dag


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